dimanche 26 juin 2011

Tout est souffrance



Le Yogavasistha est à la non dualité ce que les Mille et une nuits sont à la littérature : un océan de près de 30 000 vers rempli d'histoires dans les histoires. Le récit-cadre est la dépression du prince Râma. Or ce prince est un avatar de Dieu, l'Omniprésent (Vishnu) qui s'est fait homme pour... sauver tous les hommes de leur propre folie. Mais il s'enfonce dans une terrible dépression. On a peur de le comprendre. Quoi qu'il en soit, le Yogavasistha prétend donc être une thérapie capable de guérir Dieu lui-même ! Le satsang ultime.

Le récit s'ouvre sur les raisons de la mélancolie du prince. A seize ans - l'apogée de la vie selon la sagesse indienne - il réalise que tout est souffrance : duh-kha en sanskrit. Duh comme dans dys-fonctionnement; et kha est le moyeu, l'axe de la roue. Bref, quelque chose ne tourne pas rond dans le samsâra. Voici un bref extrait :

Le prince Rāma dit :

C'est parce que je me livre à la réflexion que je dis ces choses, même si je suis ignorant. Les gens naissent pour mourir et meurent pour naître. Tout ceci est éphémère, le vivant comme l'inerte. A quoi bon la royauté à mes yeux ? A quoi bon les jouissances. Qui suis-je ? Comment tout ceci est-il arrivé ? En méditant ainsi, un puissant dégoût surgit en moi à l'égard de toutes les choses, comme il arrive à un voyageur dans un lieu désert. Comment guérir de ce mal être ? Cette pensée me brûle. Ô toi qui es silencieux ! La richesse[1] elle-même ne mène qu'à encore plus de confusion. C'est clair et net.


Un homme riche que personne ne méprise;

Un homme courageux qui n'est pas mythomane;

Un chef qui voit tout d'un regard égal :

Ces trois hommes-là sont bien difficiles à trouver !


L'espérance de vie est fragile comme une goutte d'eau posée sur le bout d'un brin d'herbe. On peut bien capturer le vent, briser l'espace ou enfiler les vagues de l'océan : mais la vie ne peut durer. Car les arbres aussi vivent, ainsi que les animaux et les oiseaux... (mais) seul vit (vraiment) celui dont l'esprit vit par son activité mentale. Seuls les êtres qui vivent une vie droite[2] en ce monde ne renaissent plus ici-bas. Les autres ne sont que des ânes dégénérés !


Un enseignement n'est qu'un boulet pour qui est dépourvu de finesse;

La connaissance est un boulet pour qui est attaché aux émotions;

L'esprit est un boulet pour qui ne tient pas en place;

Le corps est un boulet pour qui ne se connaît pas lui-même.


Sous l'emprise de l'ego, le désastre.

A cause de l'ego, l'angoisse.

Sous l'emprise de l'ego, l'attente.

Pas d'autre ennemi que l'ego.


Le cœur s'élance de-ci de-là, surexcité, en pure perte, comme un chien de campagne s'élance de loin en loin. Il ne trouve rien, nulle part, même s'il trouve d'immenses richesses, tout comme une passoire qui n'est jamais vraiment pleine, même plongée dans l'eau. Ô vous qui êtes sincères ! contrôler l'esprit inconstant est plus difficile que boire l'océan, que déraciner l'Everest, que manger du feu. De toutes les imperfections du sasāra, il y en a une qui se distingue par les souffrances interminables qu'elle procure : c'est la soif.


Ni le tranchant d'une épée,

Ni l'éclat de la foudre,

Ni l'étincelle du métal en fusion

Ne sont aussi mortels que cette soif enracinée dans le cœur, Ô brahmanes !


En un clin d'œil, la soif suffit

A transformer le meilleur des hommes en un fétu de paille,

Fût-il aussi élevé en sagesse que l'Everest,

Et aussi courageux que ferme.



[1] "Celle qui procure le confort".

[2] "bonne, authentique" (sādhu).

Un poème de Kabir - "Ô Mâyâ, grande magicienne, je te connais" - chanté par le plus grand chanteur actuel à Bénares, Channulal Mishra :

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