vendredi 16 février 2018

Yoga et musique

Nombreux sont aujourd'hui 
les "yogas du son", de la voix, des mantras, des nâdas et autres svaras.

Le fait est que le yoga a joué 
et joue un rôle 
dans la musique classique de l'Inde,
la musique hindoustanie.

Quel est le lien entre yoga et musique ?
Le souffle bien sûr,
mais aussi le rythme, la parole et l'émotion.
L'émotion esthétique ou délectation, le rasa,
est au cœur de la spiritualité indienne
comme de toute spiritualité, d'ailleurs.
Sans empathie, sans participation, sans bhakti,
il n'y a rien, on reste sec
et en famine, même si cette émotion
peut être subtile et cachée au monde.
C'est pourquoi Abhinava Goupta expliqua le grand enseignement
des arts de la scène, le Cinquième Savoir (Véda).
Il affirme clairement que l'homme qui ne sent rien
en voyant un beau corps ou en entendant une belle musique,
est... comme une pierre,
il vit en vain. Même plein de Lumière (prakâsha), il est privé de sensibilité (vimarsha, hridaya), c'est-à-dire de liberté (svâtantrya), de vie (ojas).
C'est aussi pourquoi le plus profond penseur du shivaïsme
du Cachemire, Outpala Déva, fut aussi un immense mystique
qui composa de magnifiques poèmes
que j'espère voir publiés à la rentrée prochaine.
Il existe d'ailleurs une version chantée de quelques uns de ces hymnes :


L'exercice du pranayama est une excellente pratique pour les chanteurs.
Presque tous les grands ont pratiqués un "entraînement à la note" (svara-sâdhanâ)
pendant des années, voire toute leur vie. 
On raconte, par exemple, que Krishnarao Pandit
chantait chaque jour avant l'aube, seul, en faisant du pranayama et, même, des postures,
ai-je entendu. 
Souvent, on fait les exercices de gamme avec un rosaire,
exactement comme pour des mantras. 
Le maître de Tansen, le "Mozart" indien,
était à la fois un yogi et un amoureux du divin.

Le Sangîta Ratnâkara, un enseignement sur la musique composé en sanskrit au XIIIe siècle
par un brahmane originaire du Cachemire, 
décrit la manière dont toutes les émotions
résident sur les pétales du lotus du cœur et des autres chakras. Dans le Moûla Âdhâra, il place les quatre félicités (ânanda) bien connues des adeptes bouddhistes de Tchandalî, équivalente à la Koundalinî. 
Au-dessus habite la Puissance du Désir, Kâma Shakti. 
Le Cœur est le sanctuaire de l'adoration du divin en forme de Om, résonance de la conscience. 
Dans le chakra de la gorge habitent les notes de la gamme, et ainsi de suite. 
Sur chaque pétale habite une émotion (voir le chapitre II).

Ce qui n'a pas empêché de grands artistes de mettre en danger leur souffle.
Ainsi l'un des plus puissants chanteurs du XXe siècle,
Mallika Ardjoune Mansour, était accro aux bidies, ces terribles petitescigarettes indiennes.

On le voit ici chanter avec sa bidie :


Du coup, il eut un cancer des poumons. On le voit ici avec son fils, peu de temps avant sa mort, une cigarette dans la bouche :


Et pourtant, il était une voix incroyable, d'une tenue miraculeuse,
puissante et continue, même dans ses dernières années :


Il appartenait à la tradition peu connue des Vîra Shaivas, 
voie dans laquelle le yoga et l'amour divin
sont deux facettes d'une même vie intérieure.

Je crois que la musique est un yoga,
non au sens de la suppression des émotions
dont parle Patanjali (son yoga n'étant que de la mortification bouddhique à peine déguisée),
mais au sens d'une union de l'âme avec Dieu.

Le dernier concert de Mansour.
Sublime, tout le yoga est là :




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