vendredi 17 avril 2015

Expériences décisives VII - La non-dualité peut-elle être un outil de manipulation ?

A priori, l'éveil à la non-dualité est une libération. On devient libre de soi en découvrant le Soi absolument libre.

Dans la lignée des billets que j'avais proposé sur des expériences qui permettent de remettre en question des certitudes - par exemple ces réflexions sur la prétendue puissance du "regard du maître" - voici une autre expérience. Celle de Stanley Milgram.

En 1961, le nazi Eichman est jugé pour son implication dans l'organisation à grande échelle de la Shoah. Il se défend en disant qu'il n'a fait qu'obéir aux ordres. Il invoque même Kant et son idéal du devoir absolu. Hannah Arendt, qui couvre le procès comme journaliste, est frappée par la banalité de cet homme. Se pourrait-il que le mal soit si ordinaire ? Peut-on faire le mal par devoir ? Peut-on planifier l'extermination de millions de personnes et être un bon père de famille, sans haine ni vices ?
Arendt fait l'hypothèse que c'est un ensemble qui est la cause du mal. Et non pas une personnalité prise isolément. Selon elle, une organisation adéquate peut faire commettre les pires atrocités à des gens "normaux", qui ont bon cœur et qui peuvent éprouver par ailleurs de véritables sentiments d'amour.

Peu après, le psychologue Stanley Milgram imagine une expérience pour confirmer cette thèse de "la banalité du mal". Dans son protocole, deux personnes sur trois (62%) obéissent à une autorité qui ne les menace pas, sans espoir de récompense. Ils torturent et tuent un inconnu qui ne leur a rien fait. Un remake a été tenté récemment, avec un jeu télévisé comme décor. Le Jeu de la mort. Ici, 81% des sujets ont accepté de torturer et tuer un inconnu.

Quel rapport avec la non-dualité ? 
15% des cobayes ont déclaré après-coup qu'ils ne croyaient pas à la réalité de ce qu'ils faisaient : ils avaient obéit parce qu'il savaient que c'était un jeu, un théâtre. Or, cette prise de distance est une façon de soulager la conscience (morale !), et rend donc les gens plus obéissants. Pas plus libres. De même que le rire, la triche, ou encore 70% des cobayes qui se mettent à parler de manière impersonnelle et automatique par-dessus les cris de douleur de leur victime. 
Ainsi peut-on fort bien faire le mal sans haine ni émotion négative. Au reste, c'est moins stressant ! Et donc on obéit plus volontiers. 
Conclusion : l'émotion est parfois juste, plus juste que l'ataraxie. Il y a des haines salutaires et des zénitudes inhumaines. Celui qui obéit à son cœur, qui écoute sa conscience, n'est pas forcément celui qui affiche une sérénité à toute épreuves. Loin de là. Le Mal est le plus froid des montres froids.

Or, la non-dualité, telle qu'elle est formulée majoritairement aujourd'hui, ainsi que d'autres spiritualités apparentées, ne sont-elles pas de redoutables outils pour obtenir une soumission librement consentie ?

J'aborderai des cas plus concrets une autre fois (des noms ! des noms !). Mais je vous conseille vivement de regarder ce documentaire :


Et cet autre, sur l'expérience originelle de Milgram :

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