jeudi 6 novembre 2014

A quoi sert la raison en spiritualité ?


Dans mon dernier billet, j'avais dit que le sens absolu, spirituel, se révélait quand on ne cherchait plus à construire du sens relatif et quand on cesse de projeter du sens sur les choses. 

A première vue, cela paraît austère, bien éloigné de la plénitude. Dénoncer les illusions, inviter à la sobriété, n'est-ce pas en effet le contraire de la spiritualité ? Démystifier, n'est-ce pas l'opposé de la mystique ?

Pourtant, si l'on jette un œil à ce qu'on dit les mystiques, on s'apercevra qu'ils ont presque toujours mis en garde contre la tendance innée à voir du sens là où il n'y en a pas. Et voir du sens, c'est voir des relations. En particulier des relations à nous, à "moi". 

Dans la spiritualité contemporaine, au contraire, on entend souvent que "l'univers a un plan pour nous", qu'il existe "pour moi", qu'il est en dialogue avec moi, que je suis son "cocréateur", etc. 

Mais dans la spiritualité comme dans la science, on dénonce l'illusion du moi, l'égocentrisme qui consiste à tout rapporter à soi, à croire qu'un scénario est écrit pour nous, rien que pour nous, et on rapproche ces tendance de l’ethnocentrisme et de l'anthropocentrisme qui consistent à mettre nos coutumes ou l'homme au centre de l'univers. 

Pourtant, il est vrai que quand, par un geste intérieur difficile à décrire, on s'abreuve à la fontaine de la conscience, on a le sentiment ineffable d'être relié à tout et à tous. Ce sentiment d'unité est l'expérience mystique par excellence. Et la vie intérieure consiste à se laisser vivre par cette fontaine de félicité et d'amour, par cette plénitude de sens.

Comment réconcilier ces deux vérités ?
Comment tenir ensemble qu'à la fois la plupart des sens, des relations que nous voyons ne sont que des constructions imaginaires, et que nous éprouvons en nous le sens absolu, la plénitude de l'unité avec le tout ?

A mon avis, il faut distinguer l'expérience et ses interprétations.

L'expérience de l'unité me dit que je suis un avec et relié à tout. C'est un fait. Une expérience brute. 
Mais elle me le dit sans mots. Sans images.
Les mots, les concepts, les images, sont forcément limitées et en parties déterminées par mon passé, par des mécanismes inconscients. Dont une tendance innée à voir des liens, à imaginer des rapport de cause à effet même là où il n'y en n'a guère.

Autrement dit l'expérience est vraie.
Mais les interprétations sont seulement plus ou moins vraisemblables.

Je ne doute pas de l'expérience de l'unité. Il suffit que je "plonge" là, maintenant, pour goûter cette reliaison. C'est une expérience antérieure aux pensées, aux interprétations, une sensation qui est plus moi que moi, pour ainsi dire.
Mais je doute des mes interprétations de cette expérience, de ce ressenti. 
Voilà pourquoi une vie intérieure équilibrée est, à mon sens, à la fois affaire d'intuition et de raison, de foi et de doute, de ressenti et de réflexion.

Il n'est pas nécessaire de sacrifier ce qui est beau et bon. Ni obscurantisme, ni rationalisme. Inutile de sacrifier la raison à l'expérience, ni l'expérience à la raison.

D'où une grande paix et une grande joie.

1 commentaire:

  1. La notion d'expérience est cependant toute relative, et je ne suis pas certaine qu'il soit nécessaire, en matière de spiritualité, de séparer l'expérience de ses interprétations.
    Car dans l'expérience de l'unbité, que devient l'expérimentateur ?...

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