jeudi 11 septembre 2014

Une vision simple et directe

Sam Harris, un athée américain notoire, grand pourfendeur des religions et connu pour son franc-parler, considéré avec Hitchens, Dawkins et Dennett comme l'un des "quatre cavaliers de l'Apocalypse", vient de sortir en anglais un livre sur l'éveil non-duel :  S'éveiller, un guide pour une spiritualité sans religion
On y trouve un chapitre qui présente la Vision Sans Tête de Douglas Harding et la rapproche de la tradition tibétaine du dzogchen. Extrait :

"Douglas Harding était un architecte anglais qui par la suite devint célèbre dans le milieux New Age pour avoir ouvert une porte vers l'expérience de l'absence de Soi... Je n'ai jamais rencontré Harding, mais après avoir lu ses livres, je n'ai guère de doutes qu'il essayait d'introduire ses étudiants à la même compréhension qui est la base de la pratique du dzogchen.
Harding fut amené à cette compréhension en voyant un auto-portrait du physicien et philosophe autrichien Ernst mach, qui eut l'idée brillante de se dessiner tel qu'il apparaissait à la première personne : "Je suis sur mon canapé. Si je ferme mon œil droit, l'image représentée suivant cette fermeture se présente à mon œil gauche. Dans un cadre formé par le bord de mon sourcil, par mon nez, et par ma moustache, une partie de mon corps apparaît, dans la mesure où elle est visible, avec son environnement".


Harris poursuit :
"Harding a écrit plusieurs livres sur son expérience, dont un petit volume fort utile intitulé Vivre sans tête. Il est à la fois amusant et instructif de noter que ses enseignements furent sélectionnés pour être tournés en dérision par le scientifique cognitiviste Douglas Hofstadter.... un homme de vaste culture et de grande intelligence qui, semble-t-il, n'a pas compris ce dont parlait Harding...
Voici un extrait du texte de Harding critiqué par Hofstadter :

Ce qui se passa fut simple jusqu'à l'absurde et pas spectaculaire : j'arrêtais de penser. Une sorte de mollesse ou de passivité étrange, un calme singulier, m'envahirent. La raison, l'imagination ainsi que tout bavardage mental s'éteignirent.  Pour le coup, les mots me manquèrent. Le passé et le future disparurent. J'oubliais qui et ce que j'étais, mon nom, le fait que j'étais un homme, un animal, de même que tout ce qui pouvait être qualifié de "mien". C'est comme si j'étais né en cet instant, à nouveau, sans mental, vierge de toute mémoire. Il n'existait que le Maintenant, ce moment présent et ce qui était clairement donné en lui. Regarder était suffisant. Et j'y trouvais des jambes en pantalon kaki se terminant en bas par une paire de chaussures marrons, des manches kaki se terminant par une paire de mains roses, et une chemise kaki qui se terminait, en haut, par absolument rien ! Assurément pas par une tête.
Cela ne me prit pas longtemps pour remarquer que ce rien, ce trou où une tête aurait du se trouver, n'était pas une vacuité ordinaire, pas un simple rien. Au contraire, il était tout ce qu'il y a de plus rempli. C'était une vaste vacuité bien remplie, un rien qui pouvait laisser place à toute chose : de l'espace pour l'herbe, les arbres, les collines sombres au loin, et très loin au-dessus d'elles, les sommets enneigés pareils à une rangée de nuages anguleux chevauchant le ciel bleu. J'avais perdu une tête et gagné un monde. Ce paysage était là, magnifique, brillant de tous ses feux dans l'air limpide, seul et sans support, comme suspendu mystérieusement dans le vide, et (et ceci était le véritable miracle, la merveille et la délectation) totalement libre de "moi", non déformée par un quelconque observateur. Sa présence totale était mon absence totale, corps et âme. Plus léger que l'air, plus transparent que le verre, et délivré de moi-même. Je n'étais nulle part. Il ne surgissait nulle question, aucune référence à un au-delà de l'expérience, mais seulement une paix et une joie silencieuse, et la sensation d'avoir laissé tomber un fardeau insupportable. J'avais été aveugle à la seule chose qui est toujours présente..."

Voici les "réflexions" de Hofstadter sur le témoignage de Harding : 
"Voici une vision charmante, infantile et solipsiste de la condition humaine. C'est quelque chose qui, sur un plan intellectuel, nous choque et nous désole : quelqu'un peut-il sincèrement croire en de telles idées sans se sentir ridicule ? Et pourtant, cela nous parle sur un plan primitif. C'est le niveau auquel nous ne pouvons accepter l'idée de notre mort".
Mais Harris montre que Hofstadter se trompe et que Harding propose une expérience précise : 
que se passe-t-il à l'instant où la conscience se retourne sur elle-même ? 
Puis il propose l'expérience du doigt.


Enfin il fait le rapprochement avec "l'introduction à la nature de l'esprit" dans le dzogchen. 

Susan Blackmore, une scientifique sceptique anglaise et pratiquante du zen, raconte son expérience de la Vision Sans Tête ici.

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